L’art délicat de transmettre la sagesse, entre inspiration et appropriation
Il y a quelques jours, je suis tombé sur une newsletter qui explorait “la psychologie des transitions” et “pourquoi elles ressemblent à des mini-morts identitaires”. L’auteure présentait ces concepts comme ses propres découvertes, issues de ses “explorations” personnelles.
Pourtant, ces idées ne datent pas d’hier. Elles s’enracinent dans des traditions millénaires : l’impermanence bouddhiste, l’individuation selon Jung, les rites de passage étudiés par les anthropologues. Ce sont des concepts solides, éprouvés, qui ont guidé des générations dans les passages de la vie.
Le piège de la personnalisation
Aujourd’hui, dans l’économie de l’attention, il faut se distinguer. On se sent poussé à inventer “sa” méthode, à revendiquer “son” approche unique. Cette pression amène beaucoup de créateurs à présenter des sagesses anciennes comme des trouvailles personnelles.
L’inspiration, c’est sain. Mais l’appropriation sans reconnaissance, là est le vrai problème. Quand on expose l’impermanence comme “ma découverte sur les transitions”, on prive le lecteur de la richesse des sources originales. On l’empêche d’aller explorer plus loin, de replacer ces idées dans leur contexte.
Créer des ponts, pas des murs
Il existe une autre voie : devenir passeur plutôt que propriétaire.
Citer ses sources, c’est :
- Honorer les traditions dont on s’inspire
- Permettre à son audience d’approfondir
- Se positionner en facilitateur, pas en gourou
- Créer de la valeur par la curation et la contextualisation
Exemple concret :
Au lieu de dire “J’ai découvert que les transitions ressemblent à des mini-morts”, on pourrait dire : “Jung parlait de mort symbolique nécessaire à la renaissance psychologique. Voici comment j’applique ce concept aux transitions professionnelles d’aujourd’hui.”
Où se trouve la vraie valeur ajoutée ?
Le talent ne réside pas dans l’invention de concepts. Il se trouve dans :
- La traduction de sagesses complexes en langage simple
- L’adaptation de principes anciens à nos défis actuels
- La création de ponts entre traditions et besoins contemporains
- L’accompagnement, concret, pour mettre ces idées en pratique
Un appel à la transparence
On a besoin de plus de créateurs qui assument leur rôle de passeurs. Qui disent simplement : “Je m’inspire de Jung, du bouddhisme, de l’anthropologie… et voilà comment je rends ça utile pour vous.”
Cette transparence ne diminue en rien la valeur de leur travail. Au contraire, elle la renforce. Elle témoigne d’érudition, d’humilité, d’intégrité – des qualités qui manquent souvent dans le paysage actuel.
Pour aller plus loin
Si ce sujet vous parle, je vous invite à :
- Questionner les sources de vos créateurs préférés
- Valoriser ceux qui citent leurs inspirations
- Plonger vous-même dans les concepts qui vous touchent, dans leur contexte d’origine
La sagesse n’appartient à personne. Elle se transmet, se partage, s’enrichit. Mais elle mérite d’être honorée dans sa filiation.
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Cet article prolonge une réflexion sur l’éthique de la transmission de savoirs à l’ère de l’économie de l’attention. Vos observations ou expériences sur ce sujet sont les bienvenues !
Merci de votre lecture, vous pouvez me contacter sur liut.me
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